Plus de résultats

logo ministère de la culture Elles font la culture

Introduction

Catherine Cattaruzza a été sélectionnée pour intégrer le programme 2024 de résidence Elles & Cité. Une résidence de recherche destinée aux femmes photographes en milieu de carrière, basées hors de la région Île-de-France. Audrey Illouz, commissaire d’exposition et critique d’art, l’a accompagnée pour développer son travail « Where Home Lies », un projet né du traumatisme de l’effondrement économique du Liban qui l’a contrainte à l’exil. Rencontre.


En détails

Catherine, pouvez-vous nous présenter le projet « Where Home Lies » que vous avez développé à l’occasion de cette résidence ?


Catherine Cattaruzza : J'ai vécu presque toute ma vie au Liban, jusqu'à il y a deux ans, la même année où j’ai exposé « Je plie la terre » aux Rencontres d’Arles. Cette installation photographique explorait l’effondrement économique de ce pays, effondrement qui m'a malheureusement contrainte à le quitter. Ça a été un moment particulièrement difficile parce que je perdais le territoire de mon imaginaire, mon travail y était très ancré, même si pour moi le Liban est un laboratoire du reste du monde. Je me suis retrouvée dans une situation d'exil, ici en France. L’État libanais avait puisé dans les comptes bancaires des particuliers, il ne me restait plus rien. Je suis repartie de zéro.

J’ai donc candidaté avec un projet sur mes archives personnelles. Je photographie et je filme le Liban depuis 1992. J'avais toutes ces images qui parlaient du territoire sur lequel j'ai travaillé et évolué, et qui n’avaient jamais été exploitées. Ainsi, je me suis replongée dans ces archives, et ça a été extrêmement douloureux. J'ai décidé de travailler sur les images les plus symboliques pour interroger la représentation de ce territoire de trauma que notre corps, notre cerveau et notre psychisme subissent. J’ai commencé à modifier ces images jusqu’à les dégrader par un processus qui consiste à imprimer puis à re-photographier les mêmes clichés. Faire disparaître l’image pour induire la disparition du territoire. Avec « Where Home Lies », j’essaye d’esquisser un paysage mental autour de ce traumatisme.


Quelle a été votre motivation à soumettre ce projet pour cette résidence ?


C. C. : Je vis dans une petite ville dans le sud de la France qui est très isolée. Quand on vient de Beyrouth où il y a un vrai foisonnement culturel, ça a été un véritable choc. Cette résidence me permettrait d’être à Paris, c’était important d’avoir cet espace physique et mental pour travailler en plein cœur de la capitale. Ça m’a également donné la possibilité de commencer à développer mon réseau en France. J'ai investi ces trois mois au maximum. Rétrospectivement, cette résidence est un tournant dans ma carrière.


Audrey, vous êtes commissaire d'exposition et critique d'art. Quel est votre retour d'expérience sur votre rôle d’accompagnante dans cette résidence ?


Audrey Illouz : J'ai longtemps travaillé au Centre photographique d’Île-de-France et j’ai accompagné des artistes en résidence. Ici, c’est un peu différent, car quand j'accompagne des artistes c’est souvent par le biais de la rédaction d’un texte sur un temps long, et là cela va vraiment au-delà d’un accompagnement, c'est plutôt un partage et un échange. Mon rôle est de venir mettre à l’épreuve des zones du travail et des zones de la pratique. Et c’est ça qui m'intéresse dans ce que l'on a pu faire toutes les deux, d’établir un vrai dialogue.


Comment avez-vous organisé ce travail d’accompagnement ?


A. I. : Nous avions une trame assez précise. Nous avons organisé un premier temps d'échange qui était un peu « ça passe ou ça casse ». Les binômes ne se connaissent pas nécessairement au départ donc c’est l'occasion de se découvrir l’une, l’autre. Nous avons eu la chance, avec Catherine, de faire cette résidence dans un contexte assez joyeux et de totale liberté. Nous nous sommes rencontrées à Arles et avons échangé de façon très spontanée sur qui nous étions et quels étaient nos horizons. Nous avons finalement eu beaucoup de choses à nous dire.

La résidence est assez courte, le temps passe très vite, il faut pouvoir échanger régulièrement mais il faut aussi laisser le travail se faire. Donc, je passais à l’atelier pour des sessions de travail mais on s’est vu aussi de façon plus informelle dans des temps d'échanges et de partages, comme aller visiter une exposition par exemple… 


C. C. : J'ai ressenti les mêmes choses que décrit Audrey. Tout s’est développé de façon très organique. C'est une rencontre humaine aussi. Je pense que notre première à Arles a été importante. C'est nécessaire de se voir en direct, pas uniquement de manière virtuelle et d’instaurer un climat de confiance dès le départ


Catherine, quel est votre retour d'expérience en tant que photographe ayant bénéficié de cette résidence et de cet accompagnement ? Auriez-vous des conseils à donner aux femmes photographes qui aimeraient participer à cette résidence spécifique ? 


C. C. : Je suis dithyrambique sur cette expérience ! J'incite vraiment les photographes en région à participer à cette résidence parce que c'est en premier lieu un cadre de travail formidable et tous les acteurs de ce programme sont très attentifs et nous donnent accès à tout ce dont on a besoin. Avec Audrey, notre collaboration a été très fluide et c’est une vraie chance. Cette résidence m'a permis d'aller à la rencontre de personnes auxquelles je n'aurais pas forcément eu accès si je n’avais pas été dans ce cadre-là. J’ai pu aborder certaines personnalités en organisant des visites d’atelier. La seule chose que je pourrais regretter, c’est la durée un peu courte pour développer à la fois son projet et son réseau.

J'ai eu la chance d’être en résidence à l’automne avec la tenue de toutes les foires, pour profiter de tout ce dynamisme extrêmement positif.

À la fin de cette expérience, je me suis retrouvée dans l'atelier et j'ai eu une espèce de contrecoup. Je me suis vite reprise pour me dire qu’il fallait continuer de poursuivre ce travail



Elles & Cité est un programme de résidences de recherche et de création dédié aux femmes photographes en milieu de carrière, basées en dehors de la région Ile-de-France. A l’initiative et avec le soutien du ministère de la Culture et de la Cité internationale des arts, Elles & Cité reçoit également le soutien de la Fondation d’entreprise Neuflize OBC et de l’ADAGP.


Liens utiles


Autrices, Auteurs

Ericka Weidmann